Bonjour Gérald, si on regarde bien tes illustrations, on s’aperçoit que tu « dessines » avec des morceaux de papier découpés. Pourquoi as-tu choisi cette façon de créer un dessin ?
Bonjour Georges ! Je « dessine » en papiers découpés et collés pour plusieurs raisons. D’abord, je trouve ça beau (de cheval). C’est le travail de l’illustratrice suisse Anna Sommer qui m’a donné envie d’essayer cette technique. Ensuite, j’aime dessiner avec de grands aplats de couleurs sur la feuille. Ça me force à avoir un dessin très simple, très synthétique. Et dans mes dessins, je veux aller à l’essentiel.
Est-ce parce que tu ne sais pas dessiner avec des crayons ou parce que tu aimes les collages et le papier ?
Je ne dessine pas très bien, mais ce n’est pas la (seule) raison. J’ai fait d’autres livres dessinés à l’encre. Je préfère « découpécoller » à dessiner, mais en réalité, avant de découper et de coller mes bouts de papier, je fais un dessin préparatoire au crayon.
Comment fais-tu ? Tu découpes plein de morceaux et après tu pioches, ou tu dessines
d’abord au crayon puis tu « habilles« ton dessin ? Colles-tu tous les morceaux ?
Je commence par tout dessiner au crayon, en raturant, en gommant, en recommençant, en collant des bouts de dessins sur des bouts de dessins ratés, et quand j’estime que le dessin est à peu près bon, je décalque tout proprement. Ensuite, j’étale plein de papiers sur mon bureau et je choisis mes couleurs. Je reporte mon calque sur chaque feuille de couleur et je découpe tous les bouts de papiers. Enfin, je colle tous les bouts sur une grande feuille, en allant de l’arrière-plan au premier plan, en commençant par les décors et en finissant par les personnages et les éventuelles bulles. Les titres sont aussi en papiers découpés, mais les autres textes sont écrits au feutre sur une autre feuille et sont ajoutés à l’ordinateur à la fin.
Quelle taille ont les découpages en vrai ?
Mes dessins sont un peu plus grands que dans le livre. Ils sont réalisés sur des feuilles A3 (29,7 x 42 cm). C’est la taille maximale que je peux utiliser, car elle correspond à la taille maximale du scanner que j’utilise pour numériser les images. Et en A3, je peux te dire que c’est déjà petit en fait, et c’est parfois difficile de coller tous ces petits bouts de papier sans mettre de la colle et des traces de doigts partout !
Il y a parfois de tous petits morceaux, comme les yeux, des pétales de fleurs, une araignée… cela doit te demander beaucoup de temps, non ? Combien de temps as-tu mis pour illustrer tous ces poèmes ?
Je ne suis pas sûr… C’est assez long. Je dirais environ une semaine par page. Il faut compter le temps de traduire le poème, celui de faire le brouillon du dessin, de le décalquer, de découper tous les bouts de papier, de les coller… Et ensuite il faut encore scanner le dessin, le nettoyer sur l’ordinateur, faire les réglages de couleurs (pour que les couleurs du livre imprimé soient les plus proches possibles de celles du collage original), faire la maquette du livre… En tout, j’ai mis cinq ou six ans. Mais en vérité, je n’ai pas tout le temps travaillé sur ce livre. J’ai aussi travaillé sur d’autres choses. Je pense qu’il y a un peu plus d’un an de travail sur ce livre.
Note : Les deux pages pleines de fleurs, papillons et champignons ont failli me rendre fou.
C’était long, beaucoup trop loooooong !
Avec quoi découpes-tu ?
Je découpe avec un « X-Acto ». C’est une sorte de scalpel.
Les poèmes et petites histoires (de l’auteur russe Daniil Harms sont très drôles et tes personnages aussi, comment as-tu choisi les histoires ?
J’ai choisi les histoires qui me faisaient le plus rire, les histoires les plus bêtes et les plus absurdes, et les histoires avec des trous, des casse-tête, des personnages sens dessus dessous… Si l’histoire m’amuse, je sais que je m’amuserai en la dessinant, et si je m’amuse en la dessinant, j’espère que tu t’amuseras en la lisant.
Y a-t-il une autre histoire pour enfants que tu aimerais illustrer en papier découpé ?
J’ai traduit des contes de deux autres grands poètes russes pour enfants : Samouil Marchak et Korneï Tchoukovski. Et je prévois de les illustrer dans les années à venir. En ce moment, je prépare les illustrations de l’un de mes contes préférés de Marchak : Bagages, qui raconte le voyage d’une dame et de son petit chien qui s’enfuit quand le train quitte la gare et qu’on recherche parmi les bagages durant toute l’histoire.
Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui a envie de commencer ?
Écris ! Dessine ! Découpe ! Colle ! C’est en « georgeant » qu’on devient « georgeron »… heu, en forgeant qu’on devient forgeron !
Propos recueillis par Anne Bensoussan.